27 janvier 2016

Une mariée dotée de 300 livres en l'honneur de la naissance de "Mousseline"

Une simple recherche dans Geneanet mène parfois à des découvertes surprenantes !

Après 8 ans de mariage, le 19 décembre 1778, Marie-Antoinette donne naissance à la princesse Marie Thérèse Charlotte, nommée "Madame Royale" ou plus affectueusement "Mousseline" par sa mère. Elle est baptisée le jour-même dans la chapelle du château de Versailles et même si les festivités prévus pour la naissance d'un prince sont revues à la baisse (Eh oui, ce n'est qu'une fille et non l'héritier tant attendu qui est née.), sa naissance donne lieu à des festivités et un Te Deum est chanté dans toutes les villes du royaume.
Source gallica.bnf.fr
 A Valence, " le 10 janvier 1779 il y eut un Te Deum chanté à la cathédrale [...] et au sortir de
Cathédrale St Apollinaire (Photo perso 01/01/2016)
l'église M. de Gailhard, président  au présidial, M. de Castéras, maire, MM. de Marquet, Dauphin, Berger et Blachette mirent sur la place aux Clercs le feu à un bucher orné d'emblèmes [...]".
Place des Clercs et cathédrale St Apollinaire (Photo perso 01/01/2016)
 Ce jour-là, "le corps municipal assemblé délibéra que l'on marieroit une fille qui fût accompagnée de la vertu, à laquelle on donneroit pour dot 300 livres. Mgr de Grave s'offrit à en doter une autre de pareille somme et M. Gailhard, président, voulut les habiller toutes les deux. Le jour des épousailles fut fixé au lundi gras, 14 février 1779, et on choisit à cet effet parmi les concurrentes, qui étoient en grand nombre, la fille du second mariage d'Etienne Liotard, cordonnier, pour la paroisse Saint Jean, et celle de la veuve Malossanne, cordière pour Saint Apollinaire. [...] Elles étaient habillées en corset et jupon de popeline bleue, la coiffure assortissant, et la cérémonie se fit avec toute la pompe et magnificience possibles dans la chapelle des Pénitents et dans l'ordre suivant :
M. Gailhard se rendit à l'hôtel de ville avec les époux et toute leur parenté et convives des deux parts, chacun avec des rubans couleur de rose, douze sergents de quartier ou caporaux, la pertuisane sur le cou, ayant aussi des rubans.
A la sortie, quatre grenadiers ouvroient la marche, étant suivis des époux, l'un à droitre, l'autre à gauche, ensuite les parents et convives, chacun de leur côté, ensuite deux huissiers en robe précédant M. Gailhard, président, en robe rouge, après les deux valets de ville en manteau, précédaient M. Les échevins et maire, escortés des sergents de quartier en file, dont trois fermoient la marche.
Dans cet ordre, ils arrivèrent à l'évêché, où se trouvèrent deux notaires, qui étoient MM. Mésangère aîné, gradué, et Bouvier, greffier de la commission, lesquels reçurent chacun le contrat des parties, qui avoient été annoncées la veille sur promesse privée. Après ces actes faits, ils sortirent pour aller à la chapelle, où étoit un détachement de grenadiers de Béarn, ayant aussi des livrées à leurs bonnets et des sentinelles aux portes pour empêcher l'affluence du monde, ne laissant entrer que ceux à qui on ne pouvoit refuser.
Devant le maître-autel étoient de droite et de gauche deux prie-Dieu couverts de tapis, avec des chaises pour les époux ; à droite, plus haut, étoit celui de Monseigneur et du même côté étoit le banc de M. le président et de MM. Les maire et échevins, couvert d'un tapis aux armes de la ville ; enfin, toute la chapelle illuminée en bougies. Ils entrèrent au son des fanfares et l'on avoit réservé tout un côté pour les parents et convives. Monseigneur s'y rendit par sa galerie, accompagné des maîtres des cérémonies et des autres officiers de la confrérie.
Après sa préparation à la messe, il monta sur le marche-pied de l'autel et les époux quittant leurs places vinrent s'agenouiller devant lui. MM. Les maire et échevins vinrent se mettre avec des fauteuils au bas de l'autel et là Monseigneur fit une exhortation des plus touchantes et des plus pathétiques aux époux, leur faisant voir que c'étoient leurs vertus qui les avoient conduits au pied de cet autel, les exhorta à persévérer et leur fit sentir que les nœuds sacrés qui les alloient unir étoient des motifs pour s'aimer, s'aider mutuellement à entretenir la paix et l'union dans leur maison, et élever leurs enfants dans la crainte de Dieu. Il les sollicita aussi à prier pour le roi, la reine, la famille royale, MM. les maire, échevins et corps municipal, enfin pour lui, afin que Dieu lui accorde les secours pour bien gouverner le troupeau qu lui étoit confié. Ensuite, il les épousa, après quoi il dit une messe basse, pendant laquelle la musique ne cessa de jouer, et il termina en entonnant le Te Deum, dont la musique faisoit un verset.
 Après, M. le maire prit une épouse par la main, M. Dauphin l'autre et les conduisirent, accompagnées de leurs parents et des convives, à l'évêché, où, après avoir fait leurs remercîments à Monseigneur, elles furent placées à une table de plus de soixante couverts, dressée dans la galerie et servie aussi élégamment que délicatement, les pertuisaniers étant autour, ainsi que toute la noblesse, dames et messieurs de la ville de la ville, qui s'empressèrent aussi bien que l'évêque à les servir. Des santées furent portées au roi, à la reine, [...] et aux dames qui les honoroient de leur présence. Les épouses étoient chacune à un bout de la table, sur un fauteuil, avec une soupe distinguée. 
Lorsqu'ils eurent bien avancé le dîner, MM. les président, maire et échevins, avec beaucoup de noblesse invitée, se rendirent avec Monseigneur à une table de plus de 30 couverts et tout e détachement de grenadiers, pertuisaniers et musique à une autre, et c'étoit plaisir de voir comme la bravoure de ces guerriers étoit accompagnée de l'appétit et comme le vin couloit. Les santés furent réitérées avec une joie plus éclatante, et au sortir de la table, ils furent tous prendre les époux, avec leurs parents et convives, et les escortèrent avec la musique en tête et dans le même ordre qu'ils étoient venus, à l'hôtel de ville. Là, on commença un bal, qui dura jusqu'à 10 heures du soir, où le vin ne fut point épargné et où tout le peuple vint. Au sortir de là, on fut se coucher et le lendemain, MM. les maire et échevins, précédés des vélets de la ville, furent faire visite aux époux.
Ainsi finit cette fête, aussi mémorable que glorieuse pour notre ville [...]."

     Extrait des Annales de Michel FOREST, Bulletin d'archéologie et de statistique de la Drôme, Valence. 1866

Quelle ne fut pas ma joie de découvrir ce texte relatant le mariage extraordinaire de la nièce
d'une de mes ancêtres, auquel celle-ci a certainement participé, son mari ayant signé l'acte de mariage. C'est donc un document d'autant plus exceptionnel, qui trouve place dans ma généalogie, que la branche étudiée n'était ni noble ni bourgeoise.

 Il m'a également fait découvrir le parcours de cette princesse qui fut arrêtée en même temps que ses parents et vécu plusieurs années emprisonnée dans la tour du Temple d'où son surnom d' "Orpheline du Temple". Elle fut la seule survivante de la famille royale après la Révolution française et fut donc un symbole pour les royalistes.
Donjon du Temple vers 1795 - Musée Carnavalet
Marianne LIOTARD était donc la fille d'Etienne LIOTARD, cordonnier de la paroisse St Jean, à Valence et de sa deuxième femme, Anne VINAY (x 09/09/1751 à Valence (St Jean). 
Etienne LIOTARD était le fils d'un maître d'école d'où le fait qu'il savait signer.
 
Signature d'Etienne LIOTARD en 1749

Et voici  l'acte de mariage de Marianne LIOTARD et de Jacques RAMBAUD, daté du 15/02/1779 (et non du 14 comme indiqué dans le texte précédant).

AD 26 - VALENCE (St Jean) 1778 - 1784  : Acte vue 53 / 281

2 commentaires:

  1. Quelle belle histoire et superbe mariage pour ces deux jeunes femmes !

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    1. Oui, c'est vraiment une chance de tomber sur un conte de fées pareil !

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